SOCIÉTÉ TUNISIENNE D' INFORMATIQUE MÉDICALE SOCIÉTÉ MÉDICALE SAVANTE A BUT NON LUCRATIF FONDÉE EN 1996 L'INFORMATIQUE PAR LES MÉDECINS POUR LES MÉDECINS
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La PCA dans le traitement de la douleur aiguë Mondher Ben Ameur DEFINITIONLa PCA de l’anglais « Patient Control Analgesia »
est la technique moderne de traitement de la douleur aiguë surtout post opératoire
au cours de la quelle le patient, relié à une pompe, s’administre lui-même
ses antalgiques à la demande. C’est un véritable ordinateur que le médecin
doit au préalable programmer pour qu’aucun risque de surdosage ne puisse
survenir. Les paramètres de la
pompe à PCA. Le
principe de la PCA est basé sur le contrôle de la consommation de morphinique
par l'opéré lui-même. Cependant il existe un contrôle médical qui s'exerce
par la détermination des paramètres de la pompe à PCA que sont la dose bolus,
la période d'interdiction et la dose limite des 4 heures. 1.
La dose bolus : c'est la dose que reçoit le patient quand il appuie sur
le bouton poussoir. Elle ne doit pas être trop importante pour éviter
l'apparition d'effets secondaires comme la somnolence. Elle doit être
suffisante pour que le patient puisse ressentir les bénéfices de l'injection.
La dose bolus varie entre 0,5 et1,5mg. Cette posologie peut être augmentée ou
diminuée de 25 à 30%, en fonction de l'apparition d'une inefficacité ou
d'effets secondaires. La dose de 0,5mg est le plus souvent réservée aux
patients de plus de 70ans et de moins de 40kg. 2.
La période interdite : c'est le temps pendant lequel, même si le
patient appuie sur son bouton poussoir, il ne reçoit aucune injection de
morphine. Elle correspond au délai d'obtention du pic d'analgésie du
morphinique employé. Il ne doit être ni trop grand pour éviter
l'insatisfaction du patient, ni trop petit afin d'éviter les surdosages. Pour
la morphine, la période interdite est le plus souvent comprise entre 5 et 10
minutes. 3.
La dose limite horaire ou des 4 heures
permet plus de surveiller, que de limiter
la consommation de morphine dans le temps. En fait, la fixation de ce
paramètre exige de le surveiller régulièrement afin d'être à même de
l'adapter au besoin réel du patient. Il n'est pas obligatoire de le fixer.
Quand il est utilisé, sa valeur est fonction principalement du type de
chirurgie et de l'âge du patient. Elle est peut être fixée à 4-5mg / heure,
soit 16-20mg pour 4 heures. AVANTAGES DE LA PCA POUR LE POSTOPERATOIRE Trois
avantages découlent directement du
principe de cette technique : 1.
La PCA permet au patient d'adapter lui-même sa consommation de morphine
à ses besoins réels d'antalgiques. C’est lui seul en effet qui déclenchera
l’injection de morphinique, quand il ressent des douleurs. L'évaluation de
l'intensité des douleurs postopératoires revient en grande partie à l’appréciation
de l’opéré. La PCA permet au patient de mieux exprimer l’intensité de sa
douleur. C’est une méthode d’évaluation plus objective que la simple évaluation
réalisée par le personnel médical ou paramédical, qui a tendance à
sous-estimer l’intensité de ces douleurs postopératoires. 2.
La PCA permet d'utiliser, en période postopératoire, la voie
intraveineuse, réduisant ainsi le
délai d'action des morphiniques et facilitant donc le contrôle de l'efficacité
de ces produits. 3.
Les posologies proposées sont faibles dans la mesure où la voie
d’administration choisie est la voie intraveineuse. Ceci réduit probablement
l’incidence des effets secondaires et/ou la sévérité des ces événements
indésirables. Les morphiniques utilisés. Tous les opiacés peuvent être employés lors d'une PCA. Concernant la qualité d'analgésie, aucune différence significative n'a pu être mise en évidence entre les morphiniques employés. L’incidence des effets secondaires est quasi identique parmi les différents morphiniques employés. On note par exemple que l’incidence des nausées-vomissements serait légèrement supérieure avec les morphiniques les plus liposolubles (30 à 40% pour les morphiniques liposolubles versus 10 à 20% pour les morphiniques hydrosolubles). Compte
tenu des résultats des différentes publications à ce sujet, il apparaît
qu'il n'existe pas d'avantage à employer préférentiellement les morphiniques
liposolubles lors de la PCA. Par ailleurs, la morphine se révèle être le
morphinique le moins cher. Mode de perfusion. Trois
modes de perfusion sont disponibles sur les pompes à PCA : 1.
Mode perfusion : le patient reçoit une perfusion continue de
morphiniques. 2.
Mode « bolus seul » : le patient reçoit une dose de
morphiniques uniquement quand il appuie sur son bouton poussoir. 3.
Mode « bolus + perfusion continue » : le patient reçoit
une perfusion continue de morphiniques auquel il peut adjoindre une dose supplémentaire
en appuyant sur son bouton poussoir. La
question est de savoir si le fait d’ajouter une perfusion continue permet
d’améliorer la qualité de l’analgésie postopératoire. Six
publications sur ce sujet ont permis de montrer que la mode perfusion continue
ne produisait pas une meilleure analgésie que le mode « bolus seul ».
De plus, au-delà d’une posologie de 1mg/h, le risque d’augmenter
l’incidence d’une dépression respiratoire n’est pas négligeable. Ainsi,
dans la pratique clinique, seul le mode bolus seul est utilisé, la perfusion
continue n'ayant pas fait la preuve formelle d'une supériorité de l'analgésie
au repos. INDICATIONS. Les
avantages de la PCA permettent de mieux déterminer la place de son utilisation
vis à vis des autres techniques d’analgésie, comme l’injection sous-cutanée
de morphine et l’administration loco-régionale, péridurale d’antalgiques
morphiniques ou autres. Comparaison
entre l’analgésie traditionnelle de morphiniques (injection sous-cutanée ou
intramusculaire de morphiniques) et la PCA. Une méta-analyse réalisée en 1993
a pu montrer, sur 15 articles retenus (787 patients) que l’efficacité analgésique,
la satisfaction des patients étaient toujours meilleures dans le groupe des
patients bénéficiant de la PCA, que dans le groupe des patients recevant de la
morphine par voie intramusculaire. L’utilisation de la PCA n’augmentait pas
ni la consommation de morphiniques, ni l’incidence des effets secondaires,
comme la dépression respiratoire ou les nausées-vomissements. Dans tous les
articles, il s’agissait de patients adultes, hospitalisés dans des unités
normales de soins. Chaque
fois que des morphiniques doivent être administrés par voie parentérale,
il est préférable de les prescrire par voie IV selon la technique de
PCA. Peu importe la dose que le patient est susceptible d’utiliser, ce mode
d’administration est le plus efficace. Tout dépendra bien sûr du nombre de
pompes disponibles. Toutes les chirurgies susceptibles de procurer des douleurs
postopératoires d’intensité modérée à forte devraient faire l’objet
d’au moins une prescription d’antalgiques morphiniques et donc d’une PCA
en postopératoire. Le plus souvent, la PCA est indiquée après la réalisation
de chirurgie abdominale, orthopédique, du petit bassin, thoraciques et
cardio-vasculaires. CONTRE-INDICATIONS Toutefois
comme cela a été souligné auparavant, il existe des limites à l’efficacité
et donc à l’utilisation de la PCA en postopératoire. La principale limite
est représentée par la nécessité pour le patient de subir une kinésithérapie
précoce et intense en postopératoire immédiat : soit au maximum dès le
réveil du patient (chirurgie de libération de l’appareil extenseur du
genou), soit dès le premier jour postopératoire (tout autre chirurgie du
genou, chirurgie thoracique). Dans ces cas particuliers, l'utilisation d'une
analgésie loco-régionale est fortement souhaitable. La deuxième
limite à l’utilisation de la PCA postopératoire est représente par les
contre-indications absolues de la technique de PCA. Elles sont de deux ordres : 1.
soit, il est impossible pour le patient d'adopter la technique :
C’est le plus souvent le fait de sujet âgé. 2.
soit il est impossible pour le patient de comprendre le concept même
simple et c’est le cas des patients âgés ou présentant un retard
psychomoteur. Les
pathologies comme l'insuffisance respiratoire, hépatique ou rénale ne
contre-indiquent pas la PCA, mais recommandent une surveillance plus fréquente.
Les apnées
du sommeil, associées à l'obésité, représentent des situations pour
lesquels la crainte d'utiliser des morphiniques, quelle que soit la voie
d'administration, doit faire raisonnablement préférer l'utilisation d'analgésie
loco-régionale et/ou l'utilisation d'antalgiques non morphiniques. Effets secondaires et
complications. La
technique de PCA utilise des morphiniques, qui peuvent être à l'origine de
complications (dépression respiratoire) et d'effets secondaires (nausées,
vomissements, prurit, rétention urinaire, constipation ou retard de reprise du
transit) en rapport avec l'utilisation de ces produits Dépression
respiratoire. L'emploi
de la PCA expose au risque potentiel de survenue de cette complication. Les données
de la littérature donne des renseignements de trois ordres : L'incidence de la dépression respiratoire sévère,
c’est à dire exigeant l'administration de naloxone est faible. L'analyse prospective effectuée par Ashburn et al
sur un collectif de 3785 patients a rapporté une incidence de 0,1%. Les cas
cliniques décrits dans la littérature ont permis de souligner l'existence fréquente
de facteurs favorisants ou déclenchants
La dépression respiratoire survenait plus ou moins rapidement selon que
l'origine était en rapport avec une défaillance du matériel, une erreur de
reprogrammation ou de dilution dans la seringue, ou en rapport avec
l'accumulation du produit. Dans tous ces cas cliniques, les patients ont pu être
traités efficacement par l'injection de naloxone. Les épisodes
de désaturations. Ainsi la dépression respiratoire peut survenir lors de
l'utilisation de la PCA, mais l'incidence de la dépression respiratoire sévère
reste faible. La détection de facteurs favorisants ou déclenchants doit faire
partie intégrante de la surveillance lors de l'utilisation de cette technique.
Enfin l'emploi de la PCA n'expose pas à l'augmentation des épisodes de désaturations
observés pendant la période postopératoire. Ces événements sont retrouvés
avec la même fréquence et avec la même intensité que l'on administre les
morphiniques selon la technique de PCA ou par voie sous-cutanée. Nausées-vomissements. La
survenue de nausées-vomissements peut compromettre la qualité d'analgésie. Pour les patients bénéficiant de la PCA, on distingue :Les patients suffisamment soulagés, mais présentant des nausées-vomissements, probablement du fait d'un début de surdosage. On peut considérer que la concentration plasmatique est alors à peine supérieure à la concentration plasmatique efficace de morphine. Dans ce cas, il est préférable de réduire la dose bolus. Si ces effets secondaires persistent malgré cette adaptation, il convient alors de prescrire un traitement curatif. Les patients insuffisamment soulagés par la morphine et
ayant des nausées vomissements : ils présentent une intolérance aux
morphiniques et il devient alors nécessaire d'envisager un traitement curatif
et/ou préventif. Le traitement curatif consiste à l'injection IV de dropéridol
ou Droleptanâ
à la posologie de 0,5mg ou de métoclopramide ou Primpéranâ
à la posologie de 10mg. Concernant le traitement préventif, il a été proposé
d'adjoindre à la morphine un antiémétique dans la seringue de PCA Les résultats
des diverses études cliniques menées sur ce thème, montrent que le Droleptanâ
est le produit qui permet à la fois de réduire l'incidence et la sévérité
de ces effets indésirables. La posologie de 0,05mg par mg de morphine permet d'éviter
la survenue de la somnolence en rapport avec l'utilisation de ce neuroleptique. Rétention
urinaire. Les
morphiniques peuvent être à l'origine d'une rétention urinaire dont la fréquence
est relativement plus importante chez l'homme, le sujet âgé et chez le patient
ayant reçu pendant l'intervention un apport hydrique important. Certaines équipes
ont proposé l'utilisation préventive de Vasobralâ
ou de Xatral â
pour diminuer l'incidence et la sévérité de cet effet secondaire. Cependant
aucun résultat issu d'étude prospective n'est actuellement à notre
disposition. Le traitement curatif est représenté par le sondage évacuateur
et/ou l'administration de faibles doses titrées de naloxone. Prurit. L'incidence
de cet effet secondaire est identique que la morphine soit administrée par une
méthode conventionnelle. L'incidence du prurit sévère (c'est à dire exigeant
le recours à un traitement symptomatique par injection de Naloxone) est
d'environ 6 à 10%. En comparaison avec l'administration péridurale de
morphine, la PCA produit une incidence globale du prurit statistiquement moins
importante (38-60% pour la PCA versus 72-85% pour l'analgésie péridurale). Le
prurit sévère requiert l'administration de faibles doses titrées de naloxone. Transit
intestinal. Il
n’existe pas dans la littérature d’élément permettant d’affirmer que la
PCA augmente le délai de reprise du transit intestinal. Dans la pratique, il
semble que la durée d'utilisation des morphiniques pourrait jouer un rôle
important dans le développement d'un iléus postopératoire. L'expérience
montre qu'en fin de traitement, on observe souvent une mauvaise utilisation de
la pompe ACP par l'opéré. En effet, celui-ci déclenche des injections de
morphine, non pas pour soulager la douleur liée à l'intervention, mais le plus
souvent pour soulager les douleurs liées à la reprise du transit. La raison
pour laquelle le patient utilise la pompe ACP doit faire l'objet d'une
surveillance particulière en fin de traitement. Quelle que
soit la voie d'administration, l'utilisation des morphiniques expose au développement
d'effets secondaires. Cependant, pour la majorité d'entre eux, leur incidence
n'est pas augmentée lors de l'utilisation de la PCA Néanmoins, dans la mesure
où ces effets peuvent être à l'origine d'inefficacité, il convient d'inclure
dans la surveillance des patients bénéficiant de la PCA, une recherche systématique
de ces effets indésirables, afin d'adapter le traitement antalgique et/ou
d'instaurer le plus rapidement un traitement curatif et/ou préventif approprié.
Par
ailleurs, il faut rappeler que plusieurs études ont montré que l'incidence des
effets secondaires variait peu en fonction du morphinique utilisé. Ainsi il
apparaît inutile de remplacer un morphinique par un autre, dans le seul but de
diminuer l'incidence ou la sévérité des effets secondaires. Par
ailleurs, le concept d'analgésie combinée consistant à associer un antalgique
morphinique avec un antalgique non morphinique, doit être appliqué lors de
l'utilisation de la PCA, dans le but de diminuer la consommation de morphiniques
et de réduire ainsi l'incidence des effets secondaires. Ainsi le
traitement préventif des effets secondaires passe par le concept d’analgésie
combinée", pour les nausées-vomissements,
par la prescription préventive de faibles doses d’antiémétiques dans la
seringue de PCA. |
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