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La PCA dans le traitement de la douleur aiguë

Mondher Ben Ameur

DEFINITION

La PCA de l’anglais « Patient Control Analgesia » est la technique moderne de traitement de la douleur aiguë surtout post opératoire au cours de la quelle le patient, relié à une pompe, s’administre lui-même ses antalgiques à la demande. C’est un véritable ordinateur que le médecin doit au préalable programmer pour qu’aucun risque de surdosage ne puisse survenir. 

Les paramètres de la pompe à PCA.

Le principe de la PCA est basé sur le contrôle de la consommation de morphinique par l'opéré lui-même. Cependant il existe un contrôle médical qui s'exerce par la détermination des paramètres de la pompe à PCA que sont la dose bolus, la période d'interdiction et la dose limite des 4 heures.

1.       La dose bolus : c'est la dose que reçoit le patient quand il appuie sur le bouton poussoir. Elle ne doit pas être trop importante pour éviter l'apparition d'effets secondaires comme la somnolence. Elle doit être suffisante pour que le patient puisse ressentir les bénéfices de l'injection. La dose bolus varie entre 0,5 et1,5mg. Cette posologie peut être augmentée ou diminuée de 25 à 30%, en fonction de l'apparition d'une inefficacité ou d'effets secondaires. La dose de 0,5mg est le plus souvent réservée aux patients de plus de 70ans et de moins de 40kg.

2.       La période interdite : c'est le temps pendant lequel, même si le patient appuie sur son bouton poussoir, il ne reçoit aucune injection de morphine. Elle correspond au délai d'obtention du pic d'analgésie du morphinique employé. Il ne doit être ni trop grand pour éviter l'insatisfaction du patient, ni trop petit afin d'éviter les surdosages. Pour la morphine, la période interdite est le plus souvent comprise entre 5 et 10 minutes.

3.       La dose limite horaire ou des 4 heures permet plus de surveiller, que de limiter  la consommation de morphine dans le temps. En fait, la fixation de ce paramètre exige de le surveiller régulièrement afin d'être à même de l'adapter au besoin réel du patient. Il n'est pas obligatoire de le fixer. Quand il est utilisé, sa valeur est fonction principalement du type de chirurgie et de l'âge du patient. Elle est peut être fixée à 4-5mg / heure, soit 16-20mg pour 4 heures.

AVANTAGES DE LA PCA POUR LE POSTOPERATOIRE

Trois avantages découlent directement du principe de cette technique :

1.       La PCA permet au patient d'adapter lui-même sa consommation de morphine à ses besoins réels d'antalgiques. C’est lui seul en effet qui déclenchera l’injection de morphinique, quand il ressent des douleurs. L'évaluation de l'intensité des douleurs postopératoires revient en grande partie à l’appréciation de l’opéré. La PCA permet au patient de mieux exprimer l’intensité de sa douleur. C’est une méthode d’évaluation plus objective que la simple évaluation réalisée par le personnel médical ou paramédical, qui a tendance à sous-estimer l’intensité de ces douleurs postopératoires.

2.       La PCA permet d'utiliser, en période postopératoire, la voie intraveineuse,  réduisant ainsi le délai d'action des morphiniques et facilitant donc le contrôle de l'efficacité de ces produits.

3.       Les posologies proposées sont faibles dans la mesure où la voie d’administration choisie est la voie intraveineuse. Ceci réduit probablement l’incidence des effets secondaires et/ou la sévérité des ces événements indésirables.

Les morphiniques utilisés.

Tous les opiacés peuvent être employés lors d'une PCA. Concernant la qualité d'analgésie, aucune différence significative n'a pu être mise en évidence entre les morphiniques employés. L’incidence des effets secondaires est quasi identique parmi les différents morphiniques employés. On note par exemple que l’incidence des nausées-vomissements serait légèrement supérieure avec les morphiniques les plus liposolubles (30 à 40% pour les morphiniques liposolubles versus 10 à 20% pour les morphiniques hydrosolubles).

Compte tenu des résultats des différentes publications à ce sujet, il apparaît qu'il n'existe pas d'avantage à employer préférentiellement les morphiniques liposolubles lors de la PCA. Par ailleurs, la morphine se révèle être le morphinique le moins cher.

Mode de perfusion.

Trois modes de perfusion sont disponibles sur les pompes à PCA :

1.       Mode perfusion : le patient reçoit une perfusion continue de morphiniques.

2.       Mode « bolus seul » : le patient reçoit une dose de morphiniques uniquement quand il appuie sur son bouton poussoir.

3.       Mode « bolus + perfusion continue » : le patient reçoit une perfusion continue de morphiniques auquel il peut adjoindre une dose supplémentaire en appuyant sur son bouton poussoir.

 

La question est de savoir si le fait d’ajouter une perfusion continue permet d’améliorer la qualité de l’analgésie postopératoire.

Six publications sur ce sujet ont permis de montrer que la mode perfusion continue ne produisait pas une meilleure analgésie que le mode « bolus seul ». De plus, au-delà d’une posologie de 1mg/h, le risque d’augmenter l’incidence d’une dépression respiratoire n’est pas négligeable. Ainsi, dans la pratique clinique, seul le mode bolus seul est utilisé, la perfusion continue n'ayant pas fait la preuve formelle d'une supériorité de l'analgésie au repos.

INDICATIONS.

Les avantages de la PCA permettent de mieux déterminer la place de son utilisation vis à vis des autres techniques d’analgésie, comme l’injection sous-cutanée de morphine et l’administration loco-régionale, péridurale d’antalgiques morphiniques ou autres.

Comparaison entre l’analgésie traditionnelle de morphiniques (injection sous-cutanée ou intramusculaire de morphiniques) et la PCA. Une méta-analyse réalisée en 1993 a pu montrer, sur 15 articles retenus (787 patients) que l’efficacité analgésique, la satisfaction des patients étaient toujours meilleures dans le groupe des patients bénéficiant de la PCA, que dans le groupe des patients recevant de la morphine par voie intramusculaire. L’utilisation de la PCA n’augmentait pas ni la consommation de morphiniques, ni l’incidence des effets secondaires, comme la dépression respiratoire ou les nausées-vomissements. Dans tous les articles, il s’agissait de patients adultes, hospitalisés dans des unités normales de soins.

Chaque fois que des morphiniques doivent être administrés par voie parentérale,  il est préférable de les prescrire par voie IV selon la technique de PCA. Peu importe la dose que le patient est susceptible d’utiliser, ce mode d’administration est le plus efficace. Tout dépendra bien sûr du nombre de pompes disponibles. Toutes les chirurgies susceptibles de procurer des douleurs postopératoires d’intensité modérée à forte devraient faire l’objet d’au moins une prescription d’antalgiques morphiniques et donc d’une PCA en postopératoire. Le plus souvent, la PCA est indiquée après la réalisation de chirurgie abdominale, orthopédique, du petit bassin, thoraciques et cardio-vasculaires.

CONTRE-INDICATIONS

Toutefois comme cela a été souligné auparavant, il existe des limites à l’efficacité et donc à l’utilisation de la PCA en postopératoire. La principale limite est représentée par la nécessité pour le patient de subir une kinésithérapie précoce et intense en postopératoire immédiat : soit au maximum dès le réveil du patient (chirurgie de libération de l’appareil extenseur du genou), soit dès le premier jour postopératoire (tout autre chirurgie du genou, chirurgie thoracique). Dans ces cas particuliers, l'utilisation d'une analgésie loco-régionale est fortement souhaitable.

La deuxième limite à l’utilisation de la PCA postopératoire est représente par les contre-indications absolues de la technique de PCA. Elles sont de deux ordres :

1.       soit, il est impossible pour le patient d'adopter la technique : C’est le plus souvent le fait de sujet âgé.

2.       soit il est impossible pour le patient de comprendre le concept même simple et c’est le cas des patients âgés ou présentant un retard psychomoteur.

Les pathologies comme l'insuffisance respiratoire, hépatique ou rénale ne contre-indiquent pas la PCA, mais recommandent une surveillance plus fréquente.

Les apnées du sommeil, associées à l'obésité, représentent des situations pour lesquels la crainte d'utiliser des morphiniques, quelle que soit la voie d'administration, doit faire raisonnablement préférer l'utilisation d'analgésie loco-régionale et/ou l'utilisation d'antalgiques non morphiniques.

Effets secondaires et complications.

La technique de PCA utilise des morphiniques, qui peuvent être à l'origine de complications (dépression respiratoire) et d'effets secondaires (nausées, vomissements, prurit, rétention urinaire, constipation ou retard de reprise du transit) en rapport avec l'utilisation de ces produits

Dépression respiratoire.

L'emploi de la PCA expose au risque potentiel de survenue de cette complication. Les données de la littérature donne des renseignements de trois ordres :

L'incidence de la dépression respiratoire sévère, c’est à dire exigeant l'administration de naloxone est faible. L'analyse prospective effectuée par Ashburn et al sur un collectif de 3785 patients a rapporté une incidence de 0,1%. Les cas cliniques décrits dans la littérature ont permis de souligner l'existence fréquente de facteurs favorisants ou déclenchants La dépression respiratoire survenait plus ou moins rapidement selon que l'origine était en rapport avec une défaillance du matériel, une erreur de reprogrammation ou de dilution dans la seringue, ou en rapport avec l'accumulation du produit. Dans tous ces cas cliniques, les patients ont pu être traités efficacement par l'injection de naloxone.

Les épisodes de désaturations. Ainsi la dépression respiratoire peut survenir lors de l'utilisation de la PCA, mais l'incidence de la dépression respiratoire sévère reste faible. La détection de facteurs favorisants ou déclenchants doit faire partie intégrante de la surveillance lors de l'utilisation de cette technique. Enfin l'emploi de la PCA n'expose pas à l'augmentation des épisodes de désaturations observés pendant la période postopératoire. Ces événements sont retrouvés avec la même fréquence et avec la même intensité que l'on administre les morphiniques selon la technique de PCA ou par voie sous-cutanée.

Nausées-vomissements.

La survenue de nausées-vomissements peut compromettre la qualité d'analgésie.

Pour les patients bénéficiant de la PCA, on distingue :Les patients suffisamment soulagés, mais présentant des nausées-vomissements, probablement du fait d'un début de surdosage. On peut considérer que la concentration plasmatique est alors à peine supérieure à la concentration plasmatique efficace de morphine. Dans ce cas, il est préférable de réduire la dose bolus. Si ces effets secondaires persistent malgré cette adaptation, il convient alors de prescrire un traitement curatif.

Les patients insuffisamment soulagés par la morphine et ayant des nausées vomissements : ils présentent une intolérance aux morphiniques et il devient alors nécessaire d'envisager un traitement curatif et/ou préventif. Le traitement curatif consiste à l'injection IV de dropéridol ou Droleptanâ à la posologie de 0,5mg ou de métoclopramide ou Primpéranâ à la posologie de 10mg. Concernant le traitement préventif, il a été proposé d'adjoindre à la morphine un antiémétique dans la seringue de PCA Les résultats des diverses études cliniques menées sur ce thème, montrent que le Droleptanâ est le produit qui permet à la fois de réduire l'incidence et la sévérité de ces effets indésirables. La posologie de 0,05mg par mg de morphine permet d'éviter la survenue de la somnolence en rapport avec l'utilisation de ce neuroleptique.

Rétention urinaire.

Les morphiniques peuvent être à l'origine d'une rétention urinaire dont la fréquence est relativement plus importante chez l'homme, le sujet âgé et chez le patient ayant reçu pendant l'intervention un apport hydrique important. Certaines équipes ont proposé l'utilisation préventive de Vasobralâ ou de Xatral â pour diminuer l'incidence et la sévérité de cet effet secondaire. Cependant aucun résultat issu d'étude prospective n'est actuellement à notre disposition. Le traitement curatif est représenté par le sondage évacuateur et/ou l'administration de faibles doses titrées de naloxone.

Prurit.

L'incidence de cet effet secondaire est identique que la morphine soit administrée par une méthode conventionnelle. L'incidence du prurit sévère (c'est à dire exigeant le recours à un traitement symptomatique par injection de Naloxone) est d'environ 6 à 10%. En comparaison avec l'administration péridurale de morphine, la PCA produit une incidence globale du prurit statistiquement moins importante (38-60% pour la PCA versus 72-85% pour l'analgésie péridurale). Le prurit sévère requiert l'administration de faibles doses titrées de naloxone.

Transit intestinal.

Il n’existe pas dans la littérature d’élément permettant d’affirmer que la PCA augmente le délai de reprise du transit intestinal. Dans la pratique, il semble que la durée d'utilisation des morphiniques pourrait jouer un rôle important dans le développement d'un iléus postopératoire. L'expérience montre qu'en fin de traitement, on observe souvent une mauvaise utilisation de la pompe ACP par l'opéré. En effet, celui-ci déclenche des injections de morphine, non pas pour soulager la douleur liée à l'intervention, mais le plus souvent pour soulager les douleurs liées à la reprise du transit. La raison pour laquelle le patient utilise la pompe ACP doit faire l'objet d'une surveillance particulière en fin de traitement.

Quelle que soit la voie d'administration, l'utilisation des morphiniques expose au développement d'effets secondaires. Cependant, pour la majorité d'entre eux, leur incidence n'est pas augmentée lors de l'utilisation de la PCA Néanmoins, dans la mesure où ces effets peuvent être à l'origine d'inefficacité, il convient d'inclure dans la surveillance des patients bénéficiant de la PCA, une recherche systématique de ces effets indésirables, afin d'adapter le traitement antalgique et/ou d'instaurer le plus rapidement un traitement curatif et/ou préventif approprié.

Par ailleurs, il faut rappeler que plusieurs études ont montré que l'incidence des effets secondaires variait peu en fonction du morphinique utilisé. Ainsi il apparaît inutile de remplacer un morphinique par un autre, dans le seul but de diminuer l'incidence ou la sévérité des effets secondaires.

Par ailleurs, le concept d'analgésie combinée consistant à associer un antalgique morphinique avec un antalgique non morphinique, doit être appliqué lors de l'utilisation de la PCA, dans le but de diminuer la consommation de morphiniques et de réduire ainsi l'incidence des effets secondaires.

Ainsi le traitement préventif des effets secondaires passe par le concept d’analgésie combinée",  pour les nausées-vomissements, par la prescription préventive de faibles doses d’antiémétiques dans la seringue de PCA.

 

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