SOCIÉTÉ TUNISIENNE D' INFORMATIQUE MÉDICALE

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ÉVOLUTION DE L' ALIMENTATION TUNISIENNE ET IMPACT SUR LA SANTÉ

Pr ZOUHAIER KALLAL

SOMMAIRE

  1. INTRODUCTION

  2. DIETE TUNISIENNE AUTHENTIQUE

  3. TENDANCES ACTUELLES

  4. COMMENTAIRES

INTRODUCTION

La Tunisie carrefour de civilisations et de brassage de plusieurs ethnies est fière de son art culinaire qui illustre bien sa diversité culturelle. En effet on dénombre en Tunisie plus de 300 plats divers dont les ingrédients sont issus de son terroir.

Il est difficile de parler de l'alimentation des tunisiens en termes généraux. Il est certains, par ailleurs, que l'évolution des habitudes alimentaires au cours des dernières décennies s'est traduite par des modifications dans l'équilibre alimentaire.

L'amélioration du niveau de vie et l'augmentation des disponibilités alimentaires ainsi que la diversification des produits ont certes mis la population tunisienne à l'abri du déficit mais pas de celui du déséquilibre de la ration.

Un certain nombre d'aliments traditionnels victimes aujourd'hui d'une mauvaise presse sont de plus en plus négligés depuis le stade de la recherche, de la production jusqu'à celui de la consommation et de la nutrition. Les efforts visant à stimuler leur consommation sont rares et disparates.

La Tunisie subit aussi l'urbanisation accélérée que connaît le monde en développement ; l'émigration vers les villes se traduit par une nouvelle pathologie liée à l'alimentation. Cette urbanisation implique de nouveaux style alimentaires touchant la nature des aliments consommés, leurs préparations mais aussi leurs rythmes de consommations.

Quelles étaient les caractéristiques de cette diète tunisienne authentique et quels styles alimentaires pratiquaient- t -on, le mode de vie étant bien entendu en relation étroite avec ces styles?

Diète Tunisienne Authentique

  1. INTRODUCTION

  2. DIETE TUNISIENNE AUTHENTIQUE

  3. TENDANCES ACTUELLES

  4. COMMENTAIRES

Céréales, légumineuses, huile d'olive, fruits et légumes, quantité réduite de viandes ou de poissons, fromages saisonniers, oeufs selon les régions constituaient la base de ce régimes. Ces ingrédients au sein desquels figurait parfois le lait étaient consommés en proportions différentes selon les zones urbaines, rurales ou côtières.

LES CÉRÉALES : blé, orge, sorgho consommés sous forme de farine, pain, pâtes, semoule entraient dans la composition du couscous national et d'une multitude de plats, d'entremets et de desserts.

Carencés en acides aminés essentiels ces céréales étaient largement et systématiquement associées aux légumineuses (fève, lentille, pois chiche, haricots, petits pois secs, etc.  ). Une véritable supplantation se concrétisait ainsi.

Ce taux de protéines végétales était potentialisé par la présence, bien que souvent réduite de :

Protéines Animales : l'agneau traditionnel bien que consommé occasionnellement dans le milieu rural; les poissons blancs et bleus dans les zones côtières peu appréciés par les zones urbaines. Le lait de vache, de chèvre ou de brebis, les fromages locaux ou les préparations à base de lait caillé, petit lait.

Ces protéines animales étaient consommées quantitativement plus ou moins selon les régions.

Si le score protéique se trouvant ainsi amélioré le rapport pa/pv restait cependant bas.

Les besoins en fibres alimentaires, en fer en vitamines du groupe B étaient couverts bien que le fer soit surtout non hématique et que l'excès de fibres chélataient plusieurs micro-nutriments.

L' HUILE D' OLIVE le corps gras par excellence est souvent unique est utilisé largement pour la cuisson, l'assaisonnement et même la conservation.

LE BEURRE était consommé au printemps, tartiné et jamais en cuisine, et présent dans quelques pâtisseries citadines.

Quant au fameux « SMEN » (beurre surcuit et salé intensément) n'était utilisé en Tunisie que comme arôme releveur de goût contrairement à l'orient ou la cuisine est faite jusqu'à ce jour à base de cette mixture génératrice de tant de pathologies (gastro-intestinale, dégénérative et cancéreuse).

LÉGUMES ET FRUITS «aliments » de protection étaient largement consommés.

Les légumes, abondants et saisonniers, étaient consommés souvent cuits et rarement crus, seuls quelques légumes étaient apprécies crus lors de leurs pleins saisons : salade romaine, fenouil et concombre.

LES FRUITS DE SAISONS étaient consommés frais, on conserves ou séchés.

LES FRUITS SECS bien qu'abondants en Tunisie étaient assez peu consommés et entraient dans la compositions de quelques pâtisseries et biscuits maison.

LES PRODUITS SUCRES: sucre et miel :

Ce dernier était plus abondamment utilisé, quant au sucre il entrait dans la composition de pâtisseries et biscuits maison.

LES BOISSONS étaient dominées par l'eau plate et dans quelques circonstances par des boissons à base de fruits. Les limonades consommées et en tous les cas jamais servis à table.

Il va s'en dire que bière, vin et alcool n'étaient guère dans les habitudes alimentaires. La Tunisie n'étant devenue productrice de vins que depuis le début du siècle.

LE NIVEAU ENERGETIQUE global était relativement assez bas, la réparation des nutriments était selon les régions déséquilibrée en faveur soit des glucides ou des lipides ; le taux protéique restant assez bas quant à son rapport.

LES RYTHMES ALIMENTAIRES étaient caractéristiques et bénéfiques si l'on écoutait les ténors de la chronobiologie actuelle ; en effet le petit déjeuner était copieux et familial, une collation était prévue à dix heures, le repas de midi n'était pas riche alors que le dîner bien que plus important était pris tôt.

Il est vrai par ailleurs que l'on déplorait quelques erreurs alimentaires concernant en particulier la femme enceinte, le nourrisson et le 3" âge (prise de poids lors des grossesses, introduction tardive de suppléments alimentaires chez les nourrissons, fausses croyances nutritionnelles du 3ème âge).

Convertir cette diète et ce style alimentaire en langages de sciences nutritionnelles reviendraient à exposer des notions sur les bases physiopathologiques de la nutrition et de la diététique thérapeutique connues et assez diffusées dans nos sphères académiques et même médiatiques.

Moins de graisses saturées, plus de graisses poly-insaturées et mono-insaturées, plus de fibres alimentaires, moins de sucre à absorption rapide, moins de calories, moins de sels, moins d'alcools, plus de respect aux rythmes alimentaires,. N'est ce pas là les recommandations actuelles ?

Il est vrai par ailleurs que le régime alimentaire n'est pas un facteurs unique pour expliquer la pathologie dégénérative du siècle. Une multitude de facteurs environnementaux sont aussi à prendre en considération mais il faut reconnaître que ces facteurs ne sont ni constants ni d'égales acuités dans tous les cas. Seuls les styles alimentaires sont constants et incontournables.

La tendance actuelle

  1. INTRODUCTION

  2. DIETE TUNISIENNE AUTHENTIQUE

  3. TENDANCES ACTUELLES

  4. COMMENTAIRES

Elle se caractérise un excès d'apport calorique, un déséquilibre et une rupture des rythmes alimentaires. Notre régime a perdu tout identité puisque nous assistons à un aspect particulier à la Tunisie à savoir la juxtaposition des aliments traditionnels dont les recettes ont été profondément modifiées et d'aliments nouveaux venus d'ailleurs !

Alors que Les Produits D'origine Animale étaient relativement réduits dans la ration, nous assistons actuellement à une consommation accrue de viandes, de volailles, de lait, de lait boisson ! de yaourt, de fromages et d’œufs. Le poisson n'a pas subit la même progression notamment le poisson bleu qui continu à être délaissé. Quant à leur mode de consommation, il a subit de grandes modifications. On constate en effet la présence de plusieurs de ces protéines au sein du même repas. Il est courant de servir: viande + poisson + fromage ou viande + oeufs + lait ou encore oeufs + poisson + fromage.

Quant aux Corps Gras ; a coté des huiles d'olive, de soja, de tournesol, de colza ou de mélange d'huiles, il faut noter la place prépondérante que le beurre a pris dans nos habitudes. Alors que la cuisine tunisienne comme celle de pourtour Méditerranéen était à base d'huile.

Le fameux « SMEN » utilisé comme arôme dans le temps est devenus élément de cuisson dans plusieurs régions, nous devons cela aux relations et échanges plus étroits avec l'orient comme il de même de la « Chaouarma»

D'où l'on récupère les graisses suintantes surchauffées d'une brochette de viande fixée à un axe tournant exposée à une cuisson continue.

Les Fruits Oléagineux que nous consommions à l'occasion ont envahis notre régime. Bien que la plupart de leurs graisses soient insaturées, elles contribuent à augmenter ainsi le taux lipidique de la ration.

La Crème Fraîche, inconnue il y a quelques années, est ajoutée à toutes les recettes en plus de son utilisation dans les pâtisseries.

SUCRE ET PRODUITS SUCRES occupent une place moins importante que celle des lipides, particulièrement les sucres à absorption rapide. A titre d'exemple la Tunisie compte plusieurs types de pâtisseries locales, régionales et internationales à savoir :

v    une traditionnelle à base de céréales, une régionale typique à base de fruits secs

v    une européenne c'est à dire français datant du protectorat

v    une orientale introduite récemment à vivre allure

v    et enfin les Crèmes Glacées consommées actuellement durant les quatre saisons.

LE CHOCOLAT, est en passe de devenir un ingrédient de consommation quotidienne. Une industrie de produits cacaotés est née avec en parallèle celle des herzats.

Quant aux BOISSONS LES SODAS dominent la scène, il est superflu de les énumérer, marques nationales et étrangères se disputent le marché de la triade sucre + gaz + eau.

BIERE, VIN, ET AUTRES BOISSONS ALCOOLISÉES connaissent un nouvel essor dont les calories viennent renforcer celles des autres pléthores alimentaires.

THE ET CAFE sont consommés par toutes les tranches d 'âge et ceci est nouveau. Les enfants et les jeunes adolescents étaient épargnés.

En Tunisie la plupart des citoyens étaient soit buveurs de thé (le théisme à été décrit depuis le début du siècle) ou amateurs de café turc ; aujourd'hui l'on consomme les deux à la fois dans la même journée bien sucrées à une moyenne de deux à six tasses.

L' INDUSTRIE DES JUS DE FRUITS s'est aussi développée, mais à coté s'est développé aussi une industrie de plus en plus florissante celle des boissons sucrées aromatisées ou arômes et colorants abondent.

LES CEREALES bien qu'elles occupent encore une place prépondérante, ne sont plus associées aux légumineuses leurs taux d'extraction s'est élevé réduisant ainsi les fibres mais offrant hélas un pain plus blanc. Notons au passage que le couscous national est moins prisé par les jeunes. Quant aux croissants et brioches, ils garnissent les paniers de toutes les ménagères.

LES POTAGES ET SOUPES A BASE DE CEREALES ET DE LEGUMINEUSES d'antan très nombreux et variés sont en passe de disparaître des menus des grandes cités.

Quant aux LEGUMINEUSES, producteurs, planificateurs, consommateurs se sont ligués contre elles. Seule persiste une soupe aux pois chiche que nous soutenons par une éducation nutritionnelle depuis des années. D’innombrables et excellents petits déjeuners à base de céréales ont presque disparu tels que sorgho, « Bsissa», « Zamita etc

Très abondants du fait de nos conditions climatiques, Fruits Et Légumes ont vu aussi des modifications dans leurs consommations. La dominante «aliments sans résidus » dans l'alimentation à fait reculer leur consommation. Les légumes frais crus restent toujours moins prisés que les légumes cuits ; les fruits, bien que devenus «quatre saisons » ne sont pas consommées autant que le conseil nutritionnel le voudrait.

On peut encore disserter longuement sur le nouveau profil de la ration alimentaire du point d vue quantitative et qualitatif  n'ayant pas délaissé complètement les mets traditionnels nous avons donc ajouté d'autre. Cet effet de sommation ne pouvait pas être sans conséquences sur la santé.

COMMENTAIRES

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  2. DIETE TUNISIENNE AUTHENTIQUE

  3. TENDANCES ACTUELLES

  4. COMMENTAIRES

Ce régime sans être traditionnel ni occidental par ailleurs, est consommée à un rythme quotidien des plus varié et des plus fantaisiste.

Le petit déjeuner est absent ou réduit, le nombre des repas insuffisants, le dîner devenu souper. D'autre groupement pour des raisons diverses adoptent

d'autres rythmes, je n'en citerais que trois : Celui de la séance unique sans interruption, de la journée continue salis apports adéquats et bien ciblés et du travail posté imposé par l'industrialisation de plusieurs secteurs. La chronobiologie y est complètement bafouée. Une pathologie nouvelle est apparue qui de «fonctionnelle » est devenue organique.

Par ailleurs, nous sommes passés du plat unique riche et composé à une multiplication des plats au cours du même repas. Nous avons voulu mimer le menu à l'occidentale qui ne s'adapte pas à notre type de cuisine et encore moins nos recettes.

Les recettes tunisiennes comportent rarement des hors d'œuvres un potage chaud en hiver et une salade de légumes grillés en été, sont presque les deux entrées les plus communément connues

Faut-il aussi citer, pour bien souligner ce dérapage, l'alimentation hors des ménages non toujours motivée, l'achat superflu de produits alimentaires stockes dans les foyers et la «mode » du restaurant quand la table peut être servie.

Régime hypocalorique, riche en graisses saturées riche en sucre à absorption rapide, appauvris en fibres, riche en sels, arrosé parfois, dans un environnement ou stress, sédentarité et tabagisme créent dans le pays d'Hannibal un paradoxe nutritionnel à savoir celui de la malnutrition de l'abondance. En effet, des désordres cliniques chroniques, maladies dégénératives associées à une sédentarité sont causes de morbidité et moralité malgré l'amélioration de l'espérance de vie.

En effet toutes les maladies liées à la pléthore sont observées en Tunisie, il y a lieu d'en mesurer l'étendue : athérosclérose, affections cardio-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux, diabète, hypertension artérielle, obésité, hyperlipémies, certains types de cancer, lithiases et caries dentaires..

Elles se caractérisent aussi par leur âge d'apparition, en effet beaucoup de ces syndromes atteignent aujourd'hui l'adulte jeune.

A titre d'exemple, une femme sur deux est obèse après 30 ans l'incidence du diabète est passée de 2,3 % il y a 10 ans à 3 ou 4 %, la prévalence de HTA selon les régions va de 1,1% à 10,8% les chiffres records concernent le capital 8,7% chez l'homme et 10,8% chez les femmes. Devant ces écarts dus probablement à des abords épidémiologiques différents, la Tunisie doit rester vigilante vis à vis de ces problèmes

Un nouvel aspect d'atteinte à l'état nutritionnel non propre en Tunisie est aussi à souligner; il s'agit d'une pathologie liée à l'aliment due aux différentes pollutions micro-biologiques et physico-chimiques rencontrées tout le long des étapes de la chaîne de transformation alimentaire. Cette relation est peu connue, des travaux épidémiologiques sont nécessaires afin d'élucider ce problème en vue de sa prophylaxie.

La dimension alimentaire, nous le répétons, bien que fondamentale n'est pas le seul facteur de nos nouveau maux.. Mais on ne peut guère nier par l'observation empirique et objective que le passage d'un style alimentaire à un autre ne peut se faire sans dégâts. Le fait que l'espérance de vie soit plus élevée ne diminue en rien la relation aliment/santé qui en se dégradant porte atteinte à l'aspect qualitatif de l'individu.

Nous nous sommes contentés de présenter brièvement une révolution alimentaire sans entrer dans le détail des modifications métaboliques et des mécanismes physiopathologiques qui découlent, sachant bien qu'un petit déjeuner précaire peut à lui seul entraîner une révolution métabolique interne !

Notons par ailleurs que l'épidémiologie n'était pas, et ne l'est pas encore science bien établie dans nos contrées, il est alors difficile d'interpréter les causes de mortalité quand nos registres et nos certificats médicaux continuent à imputer la mort à des «causes naturelles » !

 

 
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